Leçon 40.   Vie et vérité        pdf téléchargement     Téléchargement du dossier de la teçon

    Sur la vérité comme sur la liberté on a pu tout dire, et son contraire. Un certain goût pour la grandiloquence du tragique, le nihilisme contemporain, présentent la rencontre de la vérité comme une expérience fatale pour l’homme. Chez Nietzsche, la vérité de l’éternel retour peut nous anéantir ou nous faire basculer dans la folie. Chez Sartre, la révélation de la vérité de l’existence aboutit à l’absurdité. La rencontre de la vérité signifie la mort des illusions et le constat lamentable de la finitude humaine. Du coup, rien ne peut nous attirer vers la vérité et, comme Nietzsche l’avait dit, il faut que les hommes continuent d’entretenir des illusions, car ce sont elles qui les font vivre !

    Il est tout de même assez contradictoire de demander au philosophe de soutenir les illusions, quand par ailleurs on lui demande aussi de mettre en garde les hommes contre leurs illusions ! Un tel projet serait compréhensible de la part d’un Alcibiade ou d’un Calliclès, voués corps et âme à la recherche du pouvoir et méprisant la philosophie. Il est bon que le peuple partage certaines illusions et que personne ne vienne déranger sa tranquillité ! Mais ce genre de discours n’appartient pas au philosophe. Si on se débarrasse de ce terrorisme intellectuel autour de la vérité, ne peut-on la voir autrement ? La vérité ne peut-elle pas être libératrice ? Ne peut-elle ouvrir la voie d’une monde plus vrai et plus heureux ? La vérité est-elle contraignante ou libératrice ?

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A. Mensonge, erreur et illusion

    En quel sens peut-on parler d’une contrainte exercée par la vérité ? (texte) Qui dit contrainte dit aliénation de la liberté. La liberté est par définition l’absence de contrainte. Mais est-ce à dire qu’être libre, c’est pouvoir faire n’importe quoi, tout en pensant ce que l'on veut ? Être libre est-ce donne libre cours à nos fantasmes ?

    1) Si nous ne voyons dans la liberté qu’une licence pour faire tout et n’importe quoi, il est clair liberté et la vérité ne peuvent aller ensemble. Pour être libre en ce sens, il ne faudrait pas écouter la voix de la vérité, et nous enfermer dans une bulle d’illusions. Il y aurait alors entre liberté et vérité une alternative radicale. Ou bien je demeure dans la vérité, en restant dans l’ordre de la réalité, et je renonce à ma liberté, ou bien je me donne dans une liberté sans limite, mais je renonce à la vérité. (texte)

    Qui peut accepter un tel dilemme ? La liberté n’est pas la licence, une liberté naturelle, sans foi ni loi. La liberté est consciente et n’est pas de l’ordre d’une licence inconsciente. S’il y a contrainte exercée par la vérité, celle-ci est de deux ordres :

   - Contrainte formelle de la vérité tout d’abord. En tant que la vérité s’exprime dans un discours vrai, elle nous impose les exigences de la logique. Nous pouvons nous sentir contraints devant le poids de conséquences qui découlent d’un principe, et de nos propres principes. Nous nous sentons contraints quand nous sommes mis en demeure de devoir surmonter nos propres contradictions. (texte)

   - Contrainte matérielle de la vérité du fait que l’on doit regarder en face, de ce qui est. Il est assez désagréable parfois de devoir accepter des faits, de devoir s’incliner devant un jugement qui est peu favorable à ce que nous avons cru tout d’abord, ou à ce que nous avons voulu soutenir. La vérité exige que nous cessions de nous dérober devant ce qui est, elle veut être regardée en face. Quoi de plus contraignant quand nous nous faisons une toute autre idée ? Il y a des faits que nous ne voudrions pas voir et des torts que nous ne voulons pas reconnaître et pourtant la lucidité demande d’ouvrir les yeux.

    ... notre amour propre et une liberté capricieuse contre la « contrainte » de la vérité ? Ou bien, comme le dit Platon, faut-il aller à la vérité de toute son âme ? (Tant pis si l’ego en prend un coup en chemin !) Se méfier de la vérité pour sauvegarder notre liberté, c’est aussi tenir pour négligeable les conséquences du faux.

    2) Supposons que je me mette à mentir à quelqu’un. Aussitôt je deviens faux dans mon rapport à l’autre, je deviens sournois et dissimulé, je déguise la vérité et j'induis l’autre en erreur, j’entreprends d’égarer l’autre. Pourquoi ? Parce que j’en tire un avantage momentané. Mais cette mauvaise foi n’abusera pas longtemps, j’ai détruit la confiance et on ne me fera plus confiance. Mentir, c’est falsifier la vérité, ce qui suppose que nécessairement je la connaisse (texte). C’est intentionnellement que je mens sinon, ce ne serait pas un mensonge, mais une simple erreur. L’erreur est involontaire, elle est commise souvent de toute bonne foi, parce que l’on croit avoir dit la vérité. Mentir, c’est falsifier la vérité, ce qui suppose que nécessairement je la connaisse. C’est intentionnellement que je mens sinon, ce ne serait pas un mensonge, mais une simple  erreur. Mentir, c’est falsifier la vérité, mais tout en sachant en soi-même où est la vérité. La mauvaise foi est dans cette division. Elle engendre un double discours et détruit toute sincérité et toute authenticité, elle fait du menteur un être inconsistant. Le mensonge me met dans la duplicité. Cf. Scott Peck.  (texte) Nous cultivons, dans nos acrobaties mentales, nos fausses justifications, nos fuites et nos compensation un art périlleux : l'art de nous mentir à nous-même. Mais comme ici, c'est le même qui trompe et qui est trompé, la position est très inconfortable. Je deviens de ce fait faux.

    Mentir, c’est dire les choses autrement qu’elles ne sont. En mentant, j’entraîne aussi autrui dans la croyance dans ce qui n’est pas, donc dans une illusion, je l’induis en erreur, et dans les erreurs qu’il va commettre à cause de moi parce que tout bêtement, il m’a cru ! Si en suivant la vérité nous pouvons rester en contact avec l’Être, en suivant le mensonge, nous sommes précipités dans le néant ! C’est pour cette raison que nous dirons que la vérité est ontologique, elle est le discours sur l’Être, le discours accordé à ce qui est, et elle a vocation à nous inscrire dans ce qui est. On ne peut pas s’appuyer sur un discours qui dit ce qui n’est pas, sur le mensonge. Nous ne pouvons pas bâtir sur le rien. Aussi sommes-nous très méfiant vis-à-vis du menteur. Nous ne pouvons pas nous fier à lui. Nous sommes par contre confiant envers l’homme véridique, l’homme qui fait preuve de véracité.

    3) Nous avons tendance à croire que notre liberté sera protégée, si nos illusions sont protégées. Nous pensons que nos illusions ne regardent que nous, qu’elles ne portent pas atteinte à la liberté d’autrui. Nous avons assez de mauvaise foi pour penser que nous resterons libres, même si nous entretenons toutes sortes d’illusions (texte).

    C’est un peu comme

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Vos commentaires

Questions:

1. Faut-il suivre ceux qui disent que la vérité n’intéresse que les philosophes, ce qui compte pour les gens pratiques, ce sont des résultats ?

2.  En quel sens faut-il avoir les épaules psychologiquement solides pour supporter la vérité ?

3. En quoi l’illusion peut-elle être plus destructrice que l’erreur ?

4. Quel serait le contenu d’une interprétation chrétienne de l’allégorie de la Caverne ?

5. Peut-on dire que ce qui fait difficulté, ce n’est pas tant la connaissance de la vérité que son oubli constant dans la vie quotidienne ?

6. Ne peut-on comprendre sans qu’il soit nécessaire de passer par l’expérience ?

7.  Vivre dans la vérité n’est-ce pas vivre en permanence dans la lucidité ?

 

    © Philosophie et spiritualité, 2002, Serge Carfantan.
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