Leçon 212.   Le moi et l’inconscient       pdf téléchargement     Téléchargement du dossier de la teçon

    Parvenu en ce point, nous ne pouvons plus adhérer à toute une série d’opinions convenues, autant dans le sens commun que chez les intellectuels. Nous avons vu que ce que nous appelons le « moi » n’est qu’un terme laudatif pour qualifier « l’ego ». Le moi n’est pas le maître de la maison. de l'âme. Il n’en est que le représentant, investi certes du rôle du tenancier de l’hôtel, mais il n’est pas seul en la demeure, même si tout son jeu voudrait nous faire croire qu’il est l’unique sujet. Le moi est le sujet représenté par le mental conscient et rien d’autre et au sens le plus trivial du terme, non pas dans un sens éminemment spéculatif réservé à quelques philosophes avertis. 

    La découverte chez Freud des niveaux subconscients et inconscients a conduit à une fragmentation du psychisme suggérant plusieurs « sujets ». Freud invente en plus du moi un « Surmoi » et un « Ça » et on a par la suite pris au pied de la lettre ces allégations en imaginant un combat mythique dans l’arène intérieure entre des gladiateurs imaginaires. En réalité, le surmoi, c’est encore l’ego, mais de l’ego idéalisé. Quand au Ça, il n’est que le vital instinctif sous quelques uns de ses aspects. Et le plan vital en comporte d’autres.

    Enfin, nous avons vu que le sens du moi est impermanent, qu’il n’est pas toujours présent et, contrairement à ce qui est d’ordinaire admis, il tire plutôt le sujet vers l’inconscience. Quand nous sommes véritablement présent à ce qui est, cette présence est je suis, mais ce Je n’est pas l’ego et sitôt que celui-ci apparaît, nous sommes plutôt ailleurs que véritablement présent. Nous voyons donc dans quel sac d’ambiguïtés on jette l’intelligence quand on parle en l’air du « moi » en y voyant quelque chose de réel (mon précieux !) alors que ce n’est à tout prendre qu’une fiction et quel péril il y aurait à dénigrer le sentiment de l’être, quand il est dénué de particularités.  L’occasion nous est donc donné de revenir sur la relation entre le moi et l’inconscient. Quelles relations le moi entretient-il avec l’inconscient ?

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A. L’ego et les réactions

    Une interprétation populaire de la « résistance » du patient dans la psychanalyse freudienne y voit le plus souvent la preuve que les traumatismes dont il souffre sont liés à une répression (texte) de la sexualité. L’argument est simpliste. D’abord parce qu’il est tout naturel  que le sujet « résiste » au dévoilement de son jardin secret. Après tout, l’intimité ne se confie qu’à un ami. Ensuite, la résistance est surtout liée au refus dans lequel se nouent les blessures douloureuses du passé et dans cette affaire la sexualité n’est qu’un élément parmi d’autres. Enfin, la méthode freudienne a une fâcheuse tendance à interdire le droit à une parole critique du patient, condamné par avance par le soupçon de cacher dans ses réactions des choses terribles. Toujours les mêmes d’ailleurs. Du sexe œdipien.  Cependant, si nous mettons de côté le regard inquisiteur de la psychanalyse et ses complications inutiles, il est exact, et nous l’avons montré, que l’émotionnel réactif a un rapport avec l’inconscient, de même qu’il a un rapport étroit avec l’ego quand il se met alors sur la défensive.

     1) L’ego entre en scène qu’à travers nos ré-actions. Concrètement, cela veut dire deux choses :

    a) Il est possible qu’une situation d’expérience actuelle C réactive un schéma conditionnel B vécu autrefois. Un objet, une musique, un lieu, une personne, qui ont une profonde analogie avec une situation d’expérience vécue dans notre passé (texte) dans un état de conflit, vont provoquer la répétition du modèle. La petite fille qui a vécu l’éloignement de sa  mère comme un abandon, une fois femme, se sent déstabilisée dès l’instant où elle est confrontée a une séparation. L’employé qui a vécu comme une humiliation son déplacement à un poste subalterne est électrisé quand on lui annonce des restructurations dans son entreprise. On dit qu’alors le corps émotionnel (cf. Eckhart Tolle pain body), (texte) sort de son état dormant et qu’il s’active fortement, faisant jaillir des réactions mêlées de bouffées émotionnelles. D’où le n’importe quoi de la conduite, la répétition des mêmes angoisses, des mêmes attitudes paniquées etc. au beau milieu de la crise émotionnelle. Nous avons vu que le corps émotionnel est l’ombre portée de l’ego, (texte) ou sa composante obscure, lourde et inconsciente. C’est la charge de l’inconscient personnel qui constitue la base immergée de l’iceberg de l’ego.

    Nous dirons alors qu’à travers la réaction, l’inconscient a pris la barre sur le conscient et il est exact qu’en pareil cas, la personne est le jouet de ses propres tendances. Un pantin donc l’inconscient tire les ficelles. (texte) D’un autre côté, il est indéniable que le sens de identité personnelle, du « moi », est inséparablement lié au passé, si le passé se réactive, c’est l’ego qui en sort renforcé, est rechargé comme une batterie sur le courant du secteur.

   b) Il nous arrive fréquemment dans la relation à autrui de subir des remarques et des piques désagréables. (texte) Tel cadre d’entreprise, qui a une haute idée de lui-même en guise de croyance inconsciente, s’entend un jour dire qu’il est incompétent. Furieux il entre dans une colère noire. Il ré-agit par la colère et remet en place prestement celui qui a eu l’idée stupide de le provoquer. Il lui faudra un temps prolongé pour que le corps émotionnel, le pain body,  se décharge et retourne à son état latent. Dans l’intervalle, ce sera l’enfer. Les tourments et le tournoiement du mental autour de l’émotionnel. (texte) La pensée nourrissant émotionnel, l’émotionnel relançant la pensée dans un cercle vicieux. Or ce qui est affecté, c’est bien sûr l’image du moi. S’il n’y avait pas d’image, la remarque n’aurait fait que passer sans accrocher à quoi que ce soit. L’expérience ne serait qu’un trait dans l’eau redevenue aussitôt calme qu’elle était deux minutes auparavant. S’il n’y a pas d’image, rien ne déclenche une réaction et la pique verbale peut juste provoquer un sursaut physique. Et quand la réaction est seulement corporelle, elle ne dure pas, parce que l’image n’est pas là pour relancer le circuit émotionnel. Avec l’image du moi, il y a la blessure d’amour-propre, d’où le sentiment terrible de diminution de l’ego, l’impression de chuter du piédestal où l’on est installé, qui donnait auparavant cet air hautain facilement reconnaissable du patron. L’ego nourrit l’image qu’il possède de lui-même et il s’attend à ce que les autres le confirme dans ses vues. Or le défi de la vie en relation c’est de mettre constamment l’ego devant un miroir. Le lien avec l’inconscient est évident, car dès l’instant où nous nous prenons la tête avec nos problèmes d’ego, nous sollicitons artificiellement les tendances inconscientes. Cela veut dire que non seulement nous nous comportons comme un imbécile, mais qu’en plus nous ne nous en rendons pas compte ! Plus l’identification avec l’ego est prononcée et plus nous sommes inconscients. C’est imparable. Inversement, moins nous sommes affectés par les problèmes d’ego, et plus il y a de disponibilité, de spontanéité, de stabilité intérieure et de naturel. Pas d’image. Pas de fiction personnelle à défendre. Parce qu’il n’y a pas d’identification à l’ego. L’identification avec l’ego implique que le sujet se met aussitôt sur la défensive. Pourquoi ? Pour défendre son ego et le préserver coûte que coûte. Il s’accroche à ses idées, ses opinions, (texte) ses croyances, ses certitudes, sa foi etc. et maintient contre vents et marrées sa position. Il ne peut rien lâcher car lâcher l’ego alors qu’on y est identifié, ce serait mourir. Plutôt que de se sentir diminué, mieux vaut le combatà mort ! Triompher, c’est renforcer à nouveau l’ego dans sa position. L’identi

 

    2) Voilà qui nous met sur la piste pour comprendre pourquoi C. G. Jung  estime que « le moi n'est dans la psyché qu'un complexe parmi d'autres, auquel s'identifie spontanément la conscience». (texte) Il ajoute encore que la psyché abrite une pluralité de complexes que l'on se représente sous forme de nœuds ayant partie liée à un affect. Ce qui confirme les résultats que nous avons obtenus jusqu’ici. Considérer l’ego comme un complexe lié à un nœud psychique a des avantages indéniables.

    Dans un complexe, comme le complexe d’infériorité, ce qui hante le sujet, c’est le besoin de compenser (texte) une image de soi jugée déficiente. Avant Jung, Alfred Adler disait explicitement qu’il est dans la nature de l’ego d’être en souci de sa propre valeur. Le sujet en proie aux troubles souffre d’un problème lié à l’image du moi. Comme le moi et l’image du moi ne sont pas séparables, le complexe va nourrir la formation inconsciente de représentations qui auront la même teneur et le mental aura alors tendance à alimenter le jugement sur soi. De plus, selon Jung, la formation de l’ego a dans l’histoire personnelle du sujet une fonction adaptative. Il dit que c’est « autour du moi que se constellent les parties socialement acceptables de la psyché, auxquels l'individu accepte inconsciemment de s'identifier ». Mais il advient un moment où cette adaptation devient une prison et c’est justement là que la nature de complexe de l’ego s’affirme. Les émanations inconscientes qui remontent dans les pensées sont autant de représentations qui au final doivent être libérées afin que l’individu puisse évoluer normalement. (texte) Ce que Jung appelle travail analytique n’est pas véritablement une analyse au sens classique, il s’agit surtout de défaire les résistances psychiques du patient afin que les représentations inconscientes se dénouent.

    La notion de complexe, comme le complexe d’infériorité, (texte) de persécution, de culpabilité etc. est devenue très populaire, mais elle est souvent employée de manière imprécise, sans relation claire avec l’ego. Ce que Jung a observé, c’est que les complexes finissent par se structurer de manière autonome comme des « personnalités » abritées au sein de la psyché. Nous savons aussi qu’ils ne se manifestent que dans des circonstances où l’affect dominant est sollicité. Ce qui donne lieu à ce que Freud appelle la compulsion. Là encore le rapprochement avec les ornières habituelles du comportement de l’ego saute aux yeux. Un ego bien rigide, un ego renforcé, c’est exactement cela, une « personnalité » dont la dynamique est alimentée par un complexe formé dans un passé lointain, le plus souvent autour d’expériences difficiles et mal vécues. Une construction mentale qui aurait peu a peu acquis son autonomie dans l’inconscient pour mener sa vie propre en donnant corps à une identité : un « moi ». Pour un peu, nous serions tentés de faire un rapprochement avec ce que Montaigne affirmait : ma vie intérieure est une galerie de personnages. Chacun d’entre eux a été un complexe noué à des réactions à un moment de la vie et il est devenu le personnage dominant : un « moi ». Mais ce moi n’ayant pas de substance, roulé qu’il est par le temps, est obligé de passer d’une forme à une autre. Aucune forme ne se maintient indéfiniment. Toute forme, y compris mentale, apparaît, se maintient et se défait. Le moi est donc transformiste et il est effectivement différent dans chacun des personnages qu’il incarne. Cependant, Jung insiste aussi pour dire que les personnalités fondés sur des complexes sont parasitaires. Elles n’expriment pas, mais déforment ce que je suis jusqu’à la caricature. Entre la personne enfermée dans son petit ego, sous l’emprise parasite du corps émotionnel, et la personne délivrée du poids de l’ego, il y aura donc une grande différence.

    Second point. Quand

   

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Questions:

1. Qu'est-ce qui change dans notre compréhension du sujet à partir du moment où nous admettons que l'ego est très largement inconscient?

2. Le moi peut-il est distingué de l'histoire personnelle?

3. Y a-t-il un type d'expérience particulier dans lequel nous serions libérés du moi?

4. Renforcer l'ego, est-ce la finalité d'un accompagnement psychologique?

5. Comment distinguer individualité vivante et individualisme?

6. Renforcer l'ego augmente-t-il pour autant la créativité?

7. En quel sens peut-on dire que l'inconscient collectif n'est pas personnel?

 

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  © Philosophie et spiritualité, 2011, Serge Carfantan,
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