Leçon 251. Des vérités définitives       pdf téléchargement     Téléchargement du dossier de la teçon

    Quand on dit qu’une décision prise est « définitive », cela veut dire qu’on n’y reviendra pas, qu’elle est « arrêtée ». Notons le caractère fixe du mot. Il est hors de question d’en discuter à nouveau. « Définitif » s’oppose donc à «révisable » ou « modifiable » dans le temps. On dira qu’une décision politique n’est pas définitive, car il est entendu que l’on peut en rediscuter. Bref, ce qui est révisable n’est pas absolu, (R) mais relatif. Il y a une autre idée intéressante: ce n’est pas un hasard si le terme de « définitif » est employé pour parler de la mort. Un médecin dira que la désagrégation des fonctions vitale d’un patient est « définitive », ce qui veut dire qu’il n’y a plus guère d’espoir de le ramener à la vie. L’idée est donc qu’il existe des processus temporels irréversibles contre lesquels nous ne pouvons rien.

    Pas simple de faire un lien avec la vérité. La vérité n’est pas une chose ni une décision plus ou moins arbitraire. La décision politique, la décision humaine en ce qui concerne tel ou tel domaine, est un aspect, un autre aspect est l’ordre de la vérité. Si je dis qu’il fait un temps magnifique dehors, c’est vrai maintenant. Reste que les nuages s’amoncellent et que dans une heure il y a de fortes chances qu’il y ait un orage. Je ne peux pas tenir sur la météo d’affirmations définitives car l’objet sur lequel porte le jugement change tout le temps, donc le jugement doit aussi changer. Pourtant au moment où l’observation est faite, pour l’observateur qui l’a faite, « il fait un temps magnifique » était vraie. Il y a dans la vérité de fait un caractère définitif qu’il ne faut pas négliger. On appelle révisionnistes en histoire ceux qui nient des faits avérés et il existe même des sanctions pénales à ce sujet. On voit mal d’autre part comment les vérités établies en mathématiques pourraient changer. Si vous dites : « à partir d’aujourd’hui 2+3=6 » vous dites une ânerie et vous passez pour un imbécile.  D’où la pertinence de la question y a-t-il des vérités définitives ? On voit

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A. Nos idées bien arrêtées et la vérité

 qui est dans l’air du temps et que je répète parce que je l’ai entendu dire. En effet, à y regarder de près ce qui s’exprime dans les opinions, c’est la plupart du temps du réchauffé. Ce qui relève de la « connaissance par oui-dire », le premier genre de connaissance selon Spinoza. Nous avons vu dans le même ordre ce que Platon entend par ortho doxa, l’opinion droite. L’affirmation qui tombe juste, mais ne possède pas clairement les raisons qui la justifient. Ce qui ressort des analyses précédentes, c’est qu’il vaut mieux dans le registre de l’opinion conserver une certaine prudence en sachant qu’après tout une opinion ...

    Donc quand j’émets une simple « opinion » sur quelque chose, c’est une affirmation peu solide, il est très difficile de penser qu’elle ne puisse pas changer ultérieurement. Il y a une expression commune qui dit qu’il n’y a que les sots qui ne changent pas d’avis. Un esprit bourré « d’opinions définitives », qui ne serait pas capable, même si on lui met les faits sous le nez, de changer se position, alors qu’il est manifestement en présence du contraire de ce qu’il avance, est quasiment… irrécupérable ! L’intelligence suppose une grande souplesse et une aptitude à la remise en question des opinions… y compris les siennes dans la mesure où on s’est trompé. Pouvoir l’admettre est humilité. Il y a une vertu de l’intelligence à au moins être capable de s’avancer en disant : « je n’en sais rien ». Avouer son ignorance au lieu de s’accrocher à une opinion, à une pensée que nous n’avons re-pensé par nous-même. Donc, avant d’affirmer en l’air et bien trop vite, repense tes pensées et que tes paroles ne soient plus du bavardage ou un simple faire-valoir! Entre personnes sensées, réfléchies et informées on peut avoir des échanges très fructueux. C’est ce qui est magnifique dans la communication. De quoi être enrichi l’un et l’autre par l’échange et se débarrasser des « opinions définitives » que l’on croyait avoir. Et en plus, contrairement à l’échange marchand, personne n’y perd.

    Donc la formule « opinions définitives » est un oxymore. A la rigueur, « convictions définitives » aurait un peu plus de sens. Une opinion est très peu ou pas du tout assortie de raisons solides. Si elle l’était, elle serait une conviction fondée et réfléchie. Mais là encore nous sentons bien que « convictions définitives » sonne curieusement. De manière très rigide. Trop rigide. Elle a un sens comme attachement à des valeurs que nous n’avons jamais renié. C’est le cas de la foi pour le fidèle d’une religion. Il pourra dire que ses convictions sont définitives. Il y a des hommes politiques qui font de leur profession de foi dans leurs valeurs une adhésion définitive. Pourtant,

    Déplaçons-nous maintenant à l’étage des croyances collectives. Sur le registre des mœurs, nous avons vu que, s’il y a un constat empirique solide que l’on peut faire, c’est que les mœurs changent d’époque en époque. Nous l’avons vu avec l’exemple du bourreau et de la sorcière. De fait, sous le regard de l’histoire, nous voyons bien qu’il n’existe pas de morale « définitive ».  D’où l’importance d’une perspective claire sur le changement des mentalités.

    Nous pouvons en dire autant de tout le fatras du prêt-à-penser qui est déversé dans les médias en permanence. Qui ne fait qu’apparaître pour disparaître très vite. Bizarrement à chaque époque et surtout dans la jeunesse, les hommes ont tendance à croire que la « vérité » de leur génération est « définitive ». Ils se comportent comme si leurs croyances collectives étaient inamovibles,

    Il est d’usage de servir à ce propos d’un poncif archi usé : « autrefois les gens pensaient que la Terre était plate »… « aujourd’hui nous savons que la Terre est ronde ». C’est tonique et ronflant ! ... nous sommes tous dans le même cas de figure que les partisans de la Terre plate. Les chrétiens du Moyen Age pouvaient se targuer d’être très supérieurs aux païens des époques antérieures en invoquant les vérités qu’ils tiraient de l'autorité de la Bible. Des vérités définitives. L’air de rien, nous faisons exactement de même en estimant que nous sommes très supérieurs aux époques passées dans les « vérités définitives » que nous appuyons dans le consensus alimenté par les médias. Psychologiquement nous n’avons pas changé notre relation aux croyances collectives, ce qui à changé, c’est leur nature et l’autorité invoquée. Parfois un peu légère. Les petites phrases des politiques et des stars du showbiz colportées à titre de vérité. Mais attention, quand l’opinion s’abreuve de science et de technique, elle a aussi tendance à voir du « définitif » un peu partout. Alors que les scientifiques eux-mêmes sont bien plus prudents et loin de prétendre être en possession de « vérités définitives ». Il va falloir y revenir. De même, la technique jouit à l’heure actuelle d’un tel ascendant que toute argumentation qui en provient reçoit dans l’opinion un accueil soustrait à la critique. Du coup, les fabulations les plus inquiétantes sont admises sans discernement. Voyez ce que nous avons examiné au sujet de l’homme augmenté. On ne règle pas tous les problèmes à coup de technique. Les vraies questions sont existentielles, morales et politiques et on ne peut les balayer avec des solutions technique « définitives » avant même de les avoir posées. Et quand on les pose, on est loin d’avoir des réponses « définitives » !

    2) Considérons maintenant de plus près la vérité. Une explication peut être provisoire, mais la vérité pour être vérité ne doit-elle pas être définitive ? Dire la vérité, s’exprimer de manière cohérente et la cohérence c’est déjà un caractère définitif. Dire la vérité, c’est dire les choses telles qu’elles sont. Un énoncé est vrai si ce qu’il affirme correspond bien à ce qui est, à la réalité. « Il est vrai que ». Il est faux quand ce qu’il dit n’a pas de correspondance dans la réalité. « Ce n’est pas vrai que ». Mettons pour faire simple : qu’il y a huit chevaux place des Quinconces à Bordeaux. Je vais vérifier sur place et j’ai une réponse à une question précise qui est définitive. Et nous pourrions répéter l’analyse pour toute question dont nous attendons une réponse qui soit vraie. Donc, en un sens, la vérité a bien un caractère définitif ou bien elle n’est pas la vérité du tout. Cela veut dire qu’un énoncé conforme à la réalité est alors considéré comme recevable de manière universelle par tout esprit en possession de sa raison. Que la vérité soit définitive - dans ce  sens précis - implique par conséquent que l’esprit doit s’incliner devant le vrai. Ce n’est pas que l’humiliation lui soit imposée, mais la reconnaissance de la vérité impose l’humilité. Seul un esprit humble peut reconnaître la vérité. Pas un esprit imbu de lui-même qui est surfait dans ses opinions et n’est pas prêt à se livrer à une investigation sérieuse. A une ouverture à la vérité. L’esprit est capable de reconnaître la vérité s’il la voit et commence alors à comprendre. L’énonciation qui dit ce qui est, dans un contexte précis et des circonstances précises, n’est pas susceptible de changer pour autant qu’elle est vraie. Sinon ce ne serait pas la vérité, mais une opinion qui a été provisoirement considérée comme vraie. L’opinion peut sans contradiction être un girouette, mais pas la vérité. C’est le discours de l’esprit prisonnier dans la Caverne qui discute avec d’autres esprits prisonniers et s’entend avec eux sur quelques généralités au sujet des ombres, les apparences, qui passent sur le mur du fond. Il pourra changer au gré des influences. L’esprit qui se dégage de l’opinion et voit ce qui est la cause du reflet qu’il voyait sur le mur en sait d’avantage et il est plus près de la vérité. Non seulement il...

    3) Sinon à quoi bon parler de science ou de connaissance ? Sur quoi pourrions-nous nous appuyer pour fonder un discours quel qu’il soit ? Nous admettons tous qu’un jugement pour être valide ne doit pas est enfermé dans l’exclusivité d’un point de vue individuel (relativisme subjectif). Celui qui dit : « c’est ma vérité à moi, pas la vôtre », eh bien parfait qu’il se la garde ! Cela ne nous intéresse pas, ce qui nous importe c’est la vérité pour autant qu’elle transcende les individus particuliers qui l’expriment, car si une chose est vraie, elle ne doit pas seulement selon « mon point de vue à moi ». Elle participe de l’universel. La vérité du monde, la vérité de la vie et celle de l’esprit ne peuvent pas non plus s’enfermer dans un cadre purement temporel (relativisme historique). On n’atteint pas le vrai en alignant à la queue leu leu les opinions successives de chaque époque, mais en étant sensibles aux convergences, même si en effet chaque époque a son langage. Il est en est de même au sujet des sciences humaines (relativisme culturel). La vérité de l’humain ne saurait être éparpillée entre des « cultures »

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  © Philosophie et spiritualité, 2014, Serge Carfantan,
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